Voyage vers Avalon

Ce soir mon esprit vogue vers les lointaines rives de la terre d’Avalon, sur les airs célestes de Kenji Kawaï et, doucement, je ramène mes jambes sous mon menton, mes bras autour de celles-ci, je m’étreins délicatement, replié sur moi-même, la tête enfouie dans le havre hospitalier qu’offrent mes genoux et là je me prends à rêver aux doigts timides qui feraient de mon dos un rivage, de leur va et vient un voyage, à rêver d’un souffle doux et paisible qui caresserait l’onde de ma chevelure, y ferait naître des vagues d’émotions qui se perdraient aux confins de mon âme …

Je me prends à rêver cet arrondi de velours qui se reposerait dans l’arc dur de mon dos tandis qu’un délicat baiser s’aventurerait au creux de mon épaule …

Mais je vois déjà une brume dense envahir les flots ; mon esquif songeur s’est aventuré en des eaux qui lui sont interdites … là-bas les flots sont tumultueux, ma coque trop fragile pour se risquer entre des récifs qui lui sont inconnus …

A regret je renonce ce soir encore à voguer vers Avalon, à ce havre de paix, parce qu’à ma garde il n’est noué de blanc mouchoir brodé d’un nom d’or qui donnerait à mon cœur le courage de tenter le voyage …

Sur l’autre rive est ma demeure, où dame solitude, douce et attentive, le regard teinté d’une légère tristesse me prendra doucement la tête sur ses genoux, me déposera un tendre baiser sur le front et me murmurera « demain … » à l’oreille … et je m’endormirais là, le corps recroquevillé, blotti dans les replis soyeux de son corsage, je rêverais sans souvenir comme toutes ces nuits depuis quelques années … et elle veillera comme hier, jusqu’à demain …

Et demain verrais-je peut-être enfin Avalon, mon cœur y croit, le souhaite …