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Au jour le jour ...

Au jour le jour ...

 

Mon frère, la seule personne qui me dira, une heure auparavant, qu'elle vient chez moi et qui préferera rentrer à pied au coeur de la nuit en longeant la seine pendant 3 heures plutôt de prendre un bus qui nous fasse rentrer en 20 minutes ... le seul qui en l'espace d'une soirée m'aura fait traverser un tiers des arrondissements de Paris à pied ...

Je n'ai pas pour habitude ni pour envie de raconter ma vie ou de faire dans l'anecdotique mais il y a dans notre fraternité une relation assez extraordinaire et précieuse je dois dire ...

Relativiser c'est aussi ça : savoir vivre au jour le jour, ne pas emporter les peines d'un jour dans le suivant, créer à chaque jour, heure, sa nouvelle disposition d'esprit et rester ouvert à toute éventualité aussi extraordinaire soit-elle sans se fermer à elle par avance ...

Au jour d'aujourd'hui c'est là la vie qui me séduit, qui me correspond : au jour le jour ...

J'ai simplement ce besoin de toujours avancer sans m'attarder là où j'aurais le sentiment de trop laisser derrière moi et de ne pas nécessairement emporter beaucoup avec moi au final.

C'est étrange comme les phrases précédentes me font penser à un refrain d'auto-persuasion asséné par ma raison. Je ne suis pas aveugle, je sens chavirer, tanguer, élancer diffusément et confusément; ça s'emballe, ça s'accélère tandis que j'essaye de construire mes digues, aménager mes canaux, restaurer les écluses qui régulent le cours. En bref, je suis en proie à la perpléxité la plus totale mais je déploie tout l'arsenal d'abstraction qui m'est usuel pour faire diversion ...

En fait je crois que ma hantise se situe au niveau de la récurrence : je crains tellement de m'enfermer dans des cercles vicieux comme ceux qui minent proprement la vie de tant de personnes de mon entourage que je tente compulsivement de me soumettre à mon analyse afin de déceler ces éventuelles limites à ma volonté qui m'interdiraient toute marche arrière une fois engagé dans le passage trop étroit de mon aveuglement ...

Mais n'est-ce pas à trop vouloir éviter une chose qu'on la rencontre par-là où l'idée fixe fait négliger l'attention véritable ? Ce qui m'amène à un autre cercle vicieux, celui de la rhétorique, parce j'ai le sentiment que je pourrais résonner comme ça indéfiniment sans jamais parvenir à quelque certitude que ce soit sinon celle de ne surtout pas m'en autoriser trop hâtivement ...

Car finalement, comme je l'écrivais dans mon article précédent, j'ai l'impression que toutes ces lignes ne servent que de bouc-émissaire à des pensées sans matière, des réflexions dépossédées d'un sujet suffisament consistant pour conduire à une analyse objective et rigoureuse. En écrivant ces doutes j'ai le sentiment de m'empêcher à tous prix de tirer des conclusions alors que mon coeur tient bien trop à rester dans l'indécision le plus longtemps possible ...

 (En me relisant je ne peux m'empêcher de penser à ceux qui m'ont demandé pourquoi j'écrivais en 10 paragraphes ce qui pouvait être dis en un ... à ceux-là je répondrais simplement que je n'écris pas pour être lu et compris mais pour me lire et me comprendre sinon je fais plus court, plus imagé et plus concis. Ce n'est pas de la "masturbation intellectuelle" comme diraient certaient très fiers de leur ptromptitude à expédier la métaphysique en un axiome rapide et semblant contenir toutes les vérités de l'existence. J'écris simplement tel que je pense : de façon analytique puis synthétique : il me faut 9 pensées d'analyse pour m'autoriser une pensée de conclusion d'où mes 10 paragraphes d'écriture ...)

Bon, je crois que mon petit article thérapeutique du jour arrive à sa fin et que je suis à nouveau suffisament apaisé pour reprendre mes errances rêveuses sans qu'une tourmente ne menace de les balayer; je continue d'exercer une surveillance et un contrôle assidûs, je me connais sinon ...

 

Prose de Songe, le Jeudi 15 Avril 2004, 10:33 dans la rubrique "Journal Fragmentaire ...".
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