La musique
Ce texte a été écrit dans ces moments où la musique était encore mon meilleur compagnon de solitude, je lui garde une très grande place dans ma vie quotidienne ...
La musique emplit doucement la pièce, le son s’insinue dans mon être, le transporte, fait ressortir ses émotions ; la musique m’aide à écrire, elle amplifie ce que je ressens, représente une émotion précise à un instant donné … comme une sœur de mes états d’âme, elle dit dans ses harmonies, au travers de ses mélodies, ce qui affleure à mes pensées, ce que mes mots ne sauraient dire que pesamment … ma sensibilité s’éveille, vibre, se laisse guider au gré des notes pour cueillir l’essentiel et délaisser l’accessoire … j’échappe un peu à mon isolement, je dérobe un peu d’autorité sur celui-ci aux autres : mon être pris dans leurs attitudes, s’évade, se met hors de leur atteinte dans des édifices de sons ; chaque musique, chaque chanson est une autre construction, un autre refuge pour mes sentiments, une autre propriété pour mes émotions … palais de verre aux innombrables reflets de souvenirs, cathédrales de silence pour mes amertumes abîmées, hutte d’un désert balayé des vents de ma colère, pittoresque pavillon de romance dans la flore de mes élans bucoliques … autant de lieux qu’offre la musique à mon imagination aigrie par la banalité du quotidien. Qu’elle vienne à libérer les pleurs, déchaîner la plume, bercer la lecture ou encore ensoleiller le cœur, son pouvoir sur mes sens, sur ma perception, mon humeur, est d’une indéniable importance : elle donne à ma sensibilité un voile protecteur, une confidente fidèle et surtout un havre d’attache et de paix dans l’océan déchaîné de la vie.
A chaque roman je donne une musique qui lui convient et qui habitera chacune de ses pages, s’en attribuera les émotions, les images pour me les restituer à chaque écoute future de celle-ci … tel air fera éclore l’espace d’un instant la fleur de la chevalerie se lançant corps et âme dans l’ultime bataille, tel autre ressuscitera les belles amours de nobles et vertueuses âmes, tel autre encore me trouvera au seuil d’une inconcevable citadelle de quelque sage isolé dans des landes brumeuses …
La musique est ce lieu secret que mon âme conserve comme antichambre de la réalité, comme porte de sortie laissé à mon imagination niée systématiquement …
M’enlever la musique c’est me rendre à mes quatre murs, aux silences qui me tuent, au vide …
26 mars 2003