Voici le dernier des textes intitulé "Ressenti" et rédigés au cours du printemps de cette année ... je tenais à le remettre ici afin de compléter les textes qui ont exprimé très justement ma vision des choses à ce moment-là de ma vie et qui continuent encore à l'illustrer.

L’imaginaire

L’imaginaire est ce qui vient dans la suite logique du jeu puisqu’il est une partie importante de ma vie et de ma personne … ma vie sans l’imaginaire ne serait peut-être plus et ma personne sans l’imaginaire serait un îlot de rocailles perdu dans une mer de ténèbres … L’imaginaire c’est cette petite lumière magique qui enrobe chacune de mes pensées, se coule dans mes mots poétiques et ravit mes sens, pris au dépourvu … il me semble que l’imaginaire est profondément inscrit dans ma nature et l’a toujours été en fait. J’ai toujours été un rêveur comme l’attestent les notes de mes bulletins scolaires, toujours laissé mon imagination habiter les espaces du quotidien de mille et une rêveries, toujours vogué sur les fleuves de l’entre deux mondes et toujours soumis à mon esprit les échafaudages de scénarios plus scabreux les uns que les autres. Quand les autres jouaient au papa et à la maman, moi j’arpentais les couloirs d’un interminable château, explorais des planètes extraordinaires, emmenais mon frère dans des aventures totalement délirantes ; quand les autres construisaient des villes avec leurs legos, moi j’en faisais des cités saintes ou maudites animées d’intrigues, bâties sous le lit, dans les placards, au long de la cheminée … ; quand les autres ont commencé à faire des jeux vidéos, de la game boy, des clubs, du sports, moi j’ai bâti des maquettes pour y déplacer des armées d’elfes, d’orques, de figurines peintes prises dans des scénarios de batailles épiques, loin des règles initiales du jeu ; quand les autres commençaient le jeu de la vie adulte, moi j’ai commencé à me retirer dans d’autres mondes plus beaux avec les jeux de rôles et les romans fantastiques … et quand la réalité m’a obligé à la regarder en face, j’étais inexpérimenté, craintif comme l’est l’animal sauvage qui s’aventure sur le bitume ; de désenchantement en désillusion et de désillusion en renonciation, j’ai cédé le pas au jeu des apparences, un mensonge en devanture, une amertume en magasin et le néant en arrière-boutique. Et on joue, on joue pour faire passer ce temps trop long où l’on ne se reconnaît pas, ne s’aime pas et ne se supporte plus … jeux de rôles, jeux d’ordinateurs, jeux sur internet et pour quoi au bout du compte ? Pour se trouver un beau jour nez à nez avec la réalité du jeu : le spectre de la mort et du désespoir de ceux qui ne supportent plus de jouer et tiennent le revolver en or à bout de bras … et alors on saisit tout ce qu’on avait soigneusement dissimulé, on hume à plein nez l’odeur du compost qu’on a patiemment accumulé au fond de son âme avec les déchets de nos sentiments reniés quotidiennement. Et c’est là, comble de l’ironie, que c’est l’imaginaire qui m’a écarté du pistolet et m’a fait voir la réalité de la vie, cette réalité qui prend sa place au sein du jeu sans y prendre part, c’est l’imaginaire qui aujourd’hui me dit la valeur des choses au-delà de ce que j’en perçois …

Si en certaines heures où le doute s’empare de moi, mon imagination me torture terriblement et met à sac toutes mes illusions, elle laisse cependant une seule, belle et inaltérable certitude au fond de mon cœur : ce que la vie m’a montré une fois de sublime, si je crois en elle, lutte pour elle, je pourrais le connaître à nouveau … et ce sublime ne s’est révélé que parce l’espace d’un instant, le jeu s’est arrêté et que c’est mon authenticité qui m’a représentée auprès d’autrui … cet espoir je le dois à l’imaginaire qui l’a déposé entre deux belles idylles elfiques …