Se sentir bête de ne pas savoir (le 22/10/03)
"Je sais que je ne sais rien" m'a toujours semblé cette formule pertinente de Socrates pour illustrer cette conviction, que j'ai, que la remise en cause constante de tout est absolument nécessaire ... il y a un temps où cette remise en cause permanente était pour moi une expérience désespérante parce qu'elle me mettait face à un vide de sens absolu de toutes ces choses que je m'étais efforcée de débarasser de mes a priori, de mes préjugés ... mais aujourd'hui j'ai appris à aadditionner à cette soustraction, le sens que je souhaite donner à ma vie d'où se déduit pour chaque chose l'importance qu'elle prend vis à vis de ce souhait. Or il est une chose qui me plonge toujours dans des abîmes d'effroi parce que je suis absolument impuissant à l'estimer ou à lui donner une valeur, c'est le silence d'autrui ... parce qu'une fois débarassé de tous ces scénarios inutiles et usants qu'on s'efforce toujours de bâtir sur ces silences pour les remplir, je me trouve avec un vie que je me refuse à combler mais qui épuise toutes mes énergies pour ce refus ... si moi-même recourrait à ces silences, jaurais la bae solide de mes raisons personnelles pour les identifier mais car je suis insatiablement à la recherche du dialogue, ma nature ne saurait user de quelconque moyen qui ferme celui-ci.
Du coup je me sens "bête de ne pas savoir" parce que j'ai décidé de prendre sur moi pour ne pas prendre sur l'autre ... et ainsi je me retrouve à accuser une bêtise de ma part que je me défend cependant de définir (pour ne pas retomber dans la spéculation vaine); bête dans quel sens ? Dans celui où dans un silence il n'y a pas de présence et que par conséquent je retourne à ma solitude ... et ma solitude est un état où je me dévalorise inévitablement pour ne pas dévaloriser un monde ou une société où je crois intimement à une valeur, à une beauté résiduelle ...
La solitude est pour moi un compagnon de longue date qui me fait ses avances dès que ma soustraction devient si forte qu'elle me laisse dans un état de doute désespéré ... or quand on est seul on dit souvent qu'on est "face à soi-même"; On m'a dit plusieurs fois qu'on avait du mal à répondre à mes analyses souvent chirugicales on avait du mal à répondre; face à moi-même c'est une vivisection à laquelle je me livre de façon intransigeante, incessante et frénétique : je me dépèce de façon systématique et angoissante ... ce n'est pas de l'interprétation comme pourrait le faire la psychologie, c'est plutôt une opération de dénudement au terme de laquelle il ne me reste plus qu'à tenter de reconstruire mes certitudes ... c'est là que le processus est vicieux parce qu'en même temps qu'il m'évite de me mentir, de désigner un coupable du doigt, il m'ôte les raisons de rebâtir des certitudes : en effet l'essentiel du sens que je trouve à ma vie je le trouve au contact des autres, à cet enrichissement que m'offre leur présence, or si je ne la sens pas, je ne trouve plus ce leitmotiv pour réédifier mon quotidien ... dans ces moments là je tourne à vide, je m'attaque au squelette après avoir prélevé les chairs, le fluide de vie et je me désosse jour après jour avec une angoisse grandissante du terme d'un tel processus ...
Pour répondre à la solitude selon LSR, "il vaut mieux être seul que mal accompagné", je dirais certes mais je crois que dans cette maxime il y a une faille en ce qui me concerne : je ne me fierais jamais assez à mon jugement sur le "mal accompagné" pour écarter une relation ... je ne suis qu'un homme, qui ne saura jamais se détâcher de tous ces a prioris, ces jugements infondés, ces interprétations hâtives qui se glissent insidieusement et discrètement dans ma vision d'autrui. Aussi ai-je tendance à mettre également mes jugements en doute afin d'éviter le collage d'étiquettes sur des choses qui par nature ont un contours et un contenu évolutif. La souffrance de ma solitude n'est pas tellement celle des traces laissées par une relation emplie de désillusions que celle de devoir constater l'existence de telles désillusions ... en fait ces désillusions ne seront jamais le prétexte pour le choix de ma solitude : la seule chose qui me la fait préférer est mon indépendance à laquelle je tiens; je souffre autant de ma solitude que de constater mon absence de liberté dans une relation sinon celle d'y mettre un terme car ma nature n'est pas telle qu'elle recourre d'elle-même à la rupture: je ne conçois pas qu'il y ait une raison qui puisse motiver que la discussion cesse entre deux êtres exceptée celle d'un refus à la discussion (or ce refus ne viendra jamais de moi je le sais).
Pour conclure sur le sujet de ce poste, je me sens "bête de ne pas savoir" pourquoi je me vois astreint, acculé, soumis à la solitude là où je ressens un tel besoin d'ouverture ... ma solitude n'est pas un replis sur moi-même, je n'ai jamais eu cette impression d'une réclusion nécessaire mais plutôt d'un isolement créé par les murs édifiés autour de moi. Peut-être me dira-t-on que je contribue à l'édification de ces murs par une attitude, mes mots, mes paroles, mes convictions, mes affirmations, mais je ne parviens pas à prendre cela comme une excuse suffisante pour justifier la souffrance qu'entraîne chez moi l'édification de ces murs (qui sont l'incarnation cruelle de la désillusion).
Pourquoi cette réflexion qui pourrait paraître, dans la continuité de la précédente, assez ombragée voire ombrageuse ? Parce que trop souvent l'optimisme qui pourrait porter ma volonté au plus haut trouve un obstacle radical dans un silence qui l'aura heurté de plein fouet ... j'avais juste envie de demander à chacun de toujours peser les conséquences, d'estimer l'egocentrisme et de mesurer l'inattention que peut entraîner le choix du silence comme médiateur avec autrui ... c'est laisser l'autre avec un vide qu'il devra combler avec le reproche, la douleur, la tristesse, la colère ou tout autre sentiment négatif et dommageable je pense ...
Bonne soirée à chacun :o) !!!!
Songe