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Mon âme est un monde dont mon coeur est le ciel

 

J'aurais peut-être dû sentir monter à mon tour une colère sourde en lisant les mots de Barjac, la sentir m'envahir et me transporter dans des mots embrasés parce qu'il a fallu qu'il les prononce, parce qu'il a fallu que nous en arrivions à devoir, pour ma part, dire mes sentiments, pour sa part me faire remarquer le paradoxe d'un tel dévoilement ...

Tu as eu le mot juste Barjac, le mot qu'il fallait pour toucher droit au coeur de la cible ... tu m'as replongé en arrière, en ce temps où je n'osais pas même pronocer le mot "ami", pas même concevoir une définition personnelle du sentiment "amour" et me voilà qui en fais vente à l'étal à renfort d'émotions à la criée ...

Et ce soir ce n'est pas mon coeur qui va parler parce que mon coeur ne s'autorise plus aucune certitude, parce que mon coeur s'est fait l'ami et l'amant de la prudence avant tout ... parce que ce n'est jamais qu'avec la lame que l'on offre à l'autre que l'on est le plus profondément meurtri lorsqu'elle vient se loger au lendemain dans nos homoplates. Alors ce soir c'est ma raison qui va parler, c'est mon esprit qui s'atreint à une remise en cause totale régulière afin de ne jamais risquer d'accumuler les a priori et les préjugés.

J'écoute à cette heure ce superbe chant de Ferrat "Potemkine" (du nom de ce cuirassé russe où une mutinerie provoqua l'exécution de tous les révoltés au final) et je perçois mon précédent article comme ces mots que le condamné adresse à ceux qu'il va quitter à tout jamais, ces mots qu'il veut être certain d'inscrire comme une dernière image de lui dans le coeur de ceux qu'il aime. Et le fait est qu'il m'est venu à plusieurs reprises à l'esprit en cette journée que si mon amour éprouvait le besoin de se dire c'est qu'au fond l'appel du large se faisait à nouveau sentir inconsciemment ou consciemment comme à chaque fois où j'ai donné de moi et que mon esprit a fini par former l'idée d'un havre de paix lointain, petite île loin de la tourmente où mon corps pourrait s'allonger lové sur mon âme à même le sable chaud, le visage caressé par une douce brise. Vous savez, cette petite enclave lumineuse qui gît au fond de notre coeur et que l'on aimerait parfois visiter pour en revenir renforcé ...

Mais j'ai assez donné dans les cercles vicieux pour ne pas commettre à nouveau l'erreur de croire que plus mon bras se tendra loin, plus il embrassera l'espoir de réaliser ce qui me tient à coeur ... Toujours quêter de ses bras tendus en avant c'est ne jamais trouver que du vide à embrasser parce que le coeur humain se méfie du bras tendu, de la main grand ouverte; je crois qu'il m'appartient simplement d'ouvrir mes bras à ceux qui croisent ma route et ainsi leur ouvrir la voie vers mon coeur. J'ai toujours vécu avec la conscience de ma solitude, j'ai seulement fait l'erreur de croire qu'on lui faisait une réponse : ma solitude est tellement profondément ancrée dans mon être que je crois qu'il faudrait qu'on s'aventure loin pour l'eclipser. Mais loin de moi l'idée de m'en plaindre aujourd'hui parce que je sais qu'elle a forgé mon indépendance, ma volonté et mes convictions même si bien souvent c'est elle  qui me séduit par des dépendances confortables, elle qui suspend ma volonté et m'insuffle l'incertitude. Mais je me sens à présent plus serein parce que je m'accommode de quelques dépendances dont je pense garder un relatif contrôle (comme j'ai pu me le prouver par ailleurs), je canalise ma volonté sur des choses précises et essentielles et je ne fuis plus avec l'incertitude vers un horizon qui me laisse espérer trouver quelques certitudes. De fait je me sens, dans ma situation actuelle, à l'heure actuelle et depuis quelques jours déjà, relativement indépendant, serein et empli d'énergie, assûré. Je crois que ma solitude est mon garde-fou, ces accoudoirs pour rattraper mes bras quand, à trop s'ouvrir, ils se sont finalement refermés dans mon dos sur du vide, ce dossier pour appuyer et reposer les circonvolutions cérébrales dans ces heures où à trop foncer tête baissée je ne suis plus certain de suivre la bonne direction, ce coussin pour accueillir délicatement mon postérieur endolori par toutes les surfaces trop dures pour lui ...

Je pense que j'aime davantage l'Homme en général que l'homme en particulier, parce que j'ai confiance en l'Homme et ses capacités mais que je doute tellement des hommes qui m'entourent, ceux qui parlent volonté, rêvent volonté, prônent volonté mais n'en ont finalement que très peu et pour eux-même et pour leurs semblables. A chaque fois que je tente d'aimer je trouve une distance qui m'incite à reprendre mes propres distances, qui m'oblige à grand regret à me déâcher là où j'aimerais tant pouvoir me laisser aller dans mon sentiment sans devoir me tenir sur mes gardes. Je me surprends à regretter que je doive croire en vos plutôt que de voir cette confiance me venir naturellement. Je suis d'accord avec toi Barjac sur ces mots qui n'éprouvent pas le besoin de se dire pour se rejoindre, je te laisse tirer ta conclusion ...

Si je n'aimais pas l'Homme et la vie qui le possède, celle qu'il parvient à sculpter en des figures tellements magnifiques, saisissantes et émouvantes, je crois que me serais aigri, me serait abîmé dans une misanthropie profonde ... mais non, même lorsque les coups me pleuvent à la face, lorsque je lis sur ces visages ces sourires moqueurs qui se sont arbitrairement choisi un bouc-émissaire avec moi, parce que je ne réponds, parce que je parais candide en n'ayant pas besoin de laisser affleurer cette violence d'apparence qui crie à chacun "attention ici légitime défense tirant à vue", je continue à aimer l'homme et pardonner l'instant d'après à ces tristes ladres leur agression. Non pas excuser le criminel mais pardonner son acte parce que ça ne m'apporte rien de le lui reprocher et que jepréfère m'attacher à son éventuelle richesse que d'entretennir sa noirceur par la haine et le mépris. C'est en cela que mon "amour" pour vous est fraternel avant tout et non amical parce que mon frère partage mon sang et non pas mon âme ... à ceux qui partagent mon âme je n'ai pas besoin de dire que j'aime leur âme, c'est réciproque et mutuellement su :o)

Et si j'aime à trouver les hommes dans leur mal-être c'est parce que j'aime à trouver la récompense de leurs sourires. Non pas que me flatte de le leur redonner, que je m'estime à l'aune de leurs chaleureuse reconnaissance mais plutôt que j'aime trouver l'homme dans ces heures où il s'ouvre sur un plus vaste horizon, se dévoile dans un subtil jeu de couleurs que le mal-être précédemment exprimé ne fondait que dans un triste dégradé de gris. L'homme heureux est moins récucteur et plus objectif que l'homme qui voit le monde au travers du spectre de ses maux. Le mariage des couleurs est blanc, le spectre de l'obscurité est gris quant à lui et ne nuance qu'avec du noir ... j'aime marier les couleurs qui se reflètent dans l'iris des gens souriants car la palette qu'elles forment est celle des valeurs renaissantes, de la foi que je m'efforce de conserver précieusement en moi et qu'il est si beau de dessiner avec des mains réunies.

Mais à chaque fois que resurgit votre mal-être, à chaque fois que vous laissez vos murailles se fissurer sous les assauts de vos idées noires, vous usez de l'outil que les maîtres d'art déconseillent pourtant à tous leurs élèves : vos gommes laissent de nos traits liés de couleur, de grandes trainées floues et tellement moches ... si seulement à ce momen-là vous ne voyiez pas de plus un gâchis et ne déchiriez pas la feuille d'un geste rageur, nous pourions envisager la retouche plus souvent. Car j'avoue me servir moi-même de la gomme, que ce soit pour lisser mes dégradés ou effacer les dérapages mais jamais au grand jamais je ne déchirerais une page où se sont rencontré des traits si sublimes et précieux auparavant. Et face à ça je n'aurais jamais d'autre alternative que de puiser au plus profond de mon coeur des cris et des appels à vous adresser avec mes trippes afin que vous supendiez vos gestes destructeurs, nihilistes ...

A tes mots je n'ajouterais qu'un cri, un appel Barjac : celui que je reprend avec toi, celui qui en appelle au soleil en cette période de froidure, celui qui en appelle au dégel, celui qui souhaite voir nos chaleureux rayons estivaux renaître pour inonder le paysage de nos blogs ... parce que si nous ne devons dissimuler les peines qui nous viennent là où nous avons choisi de nous dévoiler, nous devons aussi laisser la voie ouverte aux sourires qui les dissipent, ceux que nos plumes savent malgré tout inventer lorsqu'elle sont plus sereines. Prendre un timide sourire offert au vol pour l'élargir et l'allonger entre les moments de la journée ...

J'ai hésité à clore ce blog pour en laisser enaître un autre mais je crois qu'il n'y aurait plus grand aveu de dissociation, de discontinuité e ma personne, de mes écrits ... je suis moi, un moi en évolution qui ne saurait voir discréditer ses sourires d'aujourd'hui par des maux qui les niaient hier; l'être qui pleurait hier est le même qui aujourd'hui aimerait voir dans les larmes qui s'assèchent dans ses paumes, briller la lueur des astres qui courtisent sa nuit :o)

Voilà ces quelques mots que j'essaie de disposer comme un pas de plus sur la route qui me voit cheminer avec plaisir à vos côtés.

Sincèrement

Songe

Prose de Songe, le Samedi 20 Décembre 2003, 23:49 dans la rubrique "Journal Fragmentaire ...".
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Commentaires :

TeidyLOU
21-12-03 à 01:08

Droit devant soi...

Avancer, toujours avancer, un pas après l'autre. Et chaque jour, tout recommencer, parce qu'un jour de plus est une chance...
Que le vent continue à te porter, Songe. Et qu'il t'envoie de ma part toute le courage dont tu pourras avoir besoin.
BISOUS,
Teïdy LOU.

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TeidyLOU
21-12-03 à 01:08

Droit devant soi...

Avancer, toujours avancer, un pas après l'autre. Et chaque jour, tout recommencer, parce qu'un jour de plus est une chance...
Que le vent continue à te porter, Songe. Et qu'il t'envoie de ma part toute le courage dont tu pourras avoir besoin.
BISOUS,
Teïdy LOU.

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Songe
21-12-03 à 02:46

Re: Droit devant soi...

Merci de tout coeur mystérieuse Teïdy Lou :o) !

Chaque jour qui s'offre au suivant, est une porte qui s'ouvre sur le lendemain, chaque jour qui s'abandonne au précédent est une porte qui demeure close au lendemain ...

Chaque pas qui ne franchit pas la porte sur le lendemain, la laisse se refermer sur hier avec nous ...

Chaque courage que le vent dépose la part de ceux qui m'entourent, est un courage qui enfle mes ailes et me porte vers les cieux qui ont capturé mon regard et mon coeur avec lui ...

Grosses bises

Songe


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Gamin
21-12-03 à 04:44

Je suis content...

... de voir que cette prise de conscience ne nous privera pas du Songe que nous aimons tant...

Ce blog est toi, tout comme toi tu es ce blog... En faire naître un autre aurait été différent, et il n'aurait pas forcément été toi !!

Que ton chemin continue donc parmi -et avec- nous, mon cher Songe...


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BarJaC
21-12-03 à 22:17

Ce qui ne tue pas l'amitié la rend plus forte ;)

Mon cher Songe,

C’est avec une joie non feinte que je te retrouve au détour des mots, plus proche de celui tel que je l’avais connu, moins prompt à se lancer corps et âme dans le sentiment, mais plus prudent, de cette prudence qui force à la réflexion.

Mon ami, je te demande pardon si mes mots t’ont offensé. Ils t’auront sans doute froissé, mais je savais au fond de moi que tu ne tomberais pas dans l’erreur qui consiste à ne voir dans ma critique que le mal qu’elle fait, sans comprendre que parfois, le jardinier coupe la branche, geste douloureux en apparence, pour permettre à l’arbre de mieux pousser. Sans vouloir me prétendre capable d’un tel rôle, c’est cependant avec un esprit similaire que j’ai exprimée ma crainte, ma mise en garde, sans doute avec la maladresse de l’emportement, mais en poursuivant une idée que je jugeais vraie.

Et je suis heureux de voir qu’une fois encore, tu passes avec sagesse l’épreuve de la critique, tu vois qu’elle n’est pas sans fond, et que derrière les mots parfois durs se cache un coeur d’ami qui veut t’inviter à réfléchir, à ne rien tenir pour acquis, car celui qui croit avoir acquis quelque chose cesse de chercher et, dans une certaine mesure, d’avancer.

Peut-être lorsque tu parles de cette lame que l’on offre et qui se retourne contre nous, m’inclus-tu aussi dans ces amis prétendus qui n’hésitent pas à vous assassiner le soir même du jour où ils vous ont juré fidélité. Si tel est le cas, tu fais une erreur, dont je suis d’ailleurs plus responsable que toi. Jamais ma plume ne s’élèvera contre toi si ce n’est pour une cause dont elle est sûre que tu ressortiras grandi. Jamais ma plume n’ira donner ses couleurs à la flèche traîtresse qui te frappera dans le dos. Je ne suis pas de ceux-là, Songe. Sans doute, en refusant tes mots, je t’ai donné l’impression de refuser l’amitié qu’ils voulaient transporter. Mais il ne s’agit pas de cela, tu l’auras compris. Je refuse les mots justement parce que je crois en ton amitié, et que ce n’est pas par eux que je la connais, mais par ta façon de parler, le respect que nous avons l’un pour l’autre, la fraternité de l’idée, le verbe qui trahit une même école. Jamais, Songe, je ne lèverai sur toi une main assassine. S’il me faut un jour me séparer de toi et de tes idées, ce sera avec l’amitié de la dernière heure que je te le dirai, te respectant jusqu’à l’instant de te tourner le dos. Mais j’ose espérer que jamais un tel jour ne viendra ; je perdrais alors un frère, un des rares que j’ai en ce monde.

Il est un thème récurrent, dans notre petite communauté, c’est celui du départ. Beaucoup d’entre nous éprouvent soudainement le besoin de quitter la guilde des bloggers, partant à la recherche d’un eux-mêmes que j’espère ils trouveront. Tu es passé par là, et l’idée, je le constate, volète encore autour de ton esprit. Yamael nous quitte aussi, alors même que je le découvrais. D’autres, que je ne connais pas, abandonnent leur journal. Quelles causes à cela ? Quelles raisons pour fermer brusquement cette porte ?

Je crois que cela tient beaucoup à ce que nous attendons de notre journal, du principe de blog. Ceux qui le tiennent comme ils tenaient le journal sur papier n’ont aucune raison de cesser demain, sinon celle de ne plus vouloir dévoiler leur intimité au monde, chose qui peut se produire si pour quelque raison l’anonymat s’avère trahi. Mais sans doute en est-il aussi qui attendent beaucoup, en matière non pas simplement de journal, mais véritablement de communauté. Il y a quelques années, j’ai ouvert puis fermé bien des pages sur le net. J’attendais trop de ce monde virtuel, je le voulais tout ce que l’autre n’était pas. Il me semblait offrir une infinité de potentiels humains, de relations, d’amitiés. Et, désirant plus que je ne pouvais trouver, je m’impatientais, j’étais malheureux, déçu, et je claquais la porte. Jamais bien longtemps, car je sentais que le net était définitivement un moyen de trouver des gens de mon bois. Seulement je ne connaissais pas le moyen de les rejoindre. Je voulais sans cesse que l’on me donne, et là était mon erreur. J’ai pris le parti inverse, désormais. Je n’attends plus des gens que ce qu’ils veulent bien me donner, et plutôt que d’en faire un dû que j’attendrais depuis longtemps et accueillerais froidement comme une dette en retard, je l’accueille désormais avec joie, comme un cadeau. Je me suis inscrit ici en même temps que toi, tu fus mon premier ami, et non parce que tu fus le premier, mais parce que tu apportais à ma réflexion un complément juste et enrichissant, tu restes de tous celui qui m’est le plus proche.

Ton passage sur la solitude, je le partage entièrement, j’y retrouve mes mots. Solitude, la plus fidèle de nos amies, car la seule qu’il nous reste lorsque toutes les autres nous abandonnent... Il m’a fallu du temps pour arriver à l’aimer, cette solitude ; aujourd’hui, c’est de la quitter qui m’est pénible, tant je m’y suis habitué, tant elle m’est un rocher sur lequel m’appuyer dans la détresse, un refuge, une cachette connue de moi seul. Il y a dans la solitude une liberté qui, pour celui qui parvient à la goûter, devient rapidement une façon d’être que l’on n’abandonne plus que pour ces deux ou trois personnes sur terre que l’on appelle amis. C’est aussi cette solitude qui nous pousse à penser, nous pousse à écrire, nous en donne le besoin ainsi que le temps. Renier la solitude, ce serait ensuite renier toute une partie de nous.

Pour ce qui est de l’Homme, pensé, et de l’homme, réel, tu rejoins ici un sujet dont j’avais débattu sur le blog d’Alezia à propos de l’idéalisme : on chérit plus souvent l’idée, qui est belle, et non la réalité, qui est loin de l’être autant. Je ne développerai pas à nouveau, je ne ferais que me — et te — répéter.

Je ne reviendrai pas non plus sur ta capacité, admirée de nous tous, à écouter, conseiller, apporter ton soutien, qui a fait de toi cet ami que nous partageons. Il est peut-être un acquis, un seul, c’est la certitude que tu seras toujours là quand on aura besoin de toi. Et quand bien même tu prétendrais partir, je reste persuadé que tu ne serais jamais bien loin, toujours à portée de voix. Quand Saint-Exupéry nous rappelle qu’on enchaîne à nous les gens que l’on apprivoise, il oublie de préciser que l’on s’enchaîne aussi soi-même à ces gens, et qu’ils ne seront pas les seuls à souffrir de la séparation.

Je n’userai pas des mots trop directs contre lesquels je me suis élevé, tu n’en as pas besoin pour savoir que mon coeur est de ton côté, même lorsqu’il se permet de te critiquer. Je le dis et le répète : pour moi, tu as l’âme d’un grand. Ton humilité, ta capacité à te remettre en cause ne font que confirmer quelque chose que je savais déjà.

Et je suis enfin entièrement d’accord avec toi : clore ce blog pour en ouvrir un autre serait effectivement l’aveu d’une dissociation, d’une leçon restant à apprendre. On a souvent le désir de recommencer une nouvelle vie, de repartir de zéro. Voilà une expression en laquelle je ne crois pas. Repartir à zéro, n’est-ce pas condamner tout ce que l’on a été jusque-là ? N’est-ce pas, surtout, vouloir introduire une discontinuité dans ce que nous sommes ? Et je ne crois pas qu’une telle chose soit réellement possible. On ne repars pas de zéro. On repart de là où on était rendu, avec son bagage de fautes, d’échecs, de peines, mais aussi de succès et de joies. Que l’on change de direction, nul doute à cela, mais cela n’est pas recommencer le trajet. Ce n’est qu’en modifier la courbure afin qu’elle nous mène à des objectifs nouveaux. On peut toujours changer la destination, mais on ne changera jamais le point de départ. Je ne serai pas demain un autre homme que celui que je suis aujourd’hui et que celui que j’étais hier. Et puisque je ne peux me séparer de ce que je fus, alors il me faut apprendre à vivre avec. Je ne suis pas une page qu’on déchire, je suis une page qui s’améliore, comme une peinture sur laquelle je pourrai toujours appliquer un coup de pinceau nouveau sur ce qui est déjà tracé. Pour reprendre ton image : on ne déchire pas, on retouche. On ne dessine pas à la gomme, on dessine au crayon ; on n’efface pas, on ajuste. Une vie humaine ne sera jamais un trait net et précis. Celui qui déchire la feuille espère souvent, sur une nouvelle feuille, réussir un tracé meilleur, du premier coup. Mais il n’est pas d’homme qui ne se trompe, qui n’ait de temps à autre la main qui tremble, le tracé incertain. C’est ainsi, c’est notre condition que d’aller à tâtons. Je me souviens de ces croquis de Van Gogh, au musée qui porte son nom, véritables fouillis de crayonnements, desquels sortaient comme par magie un visage, une main, une fleur. C’était l’oeil qui était capable de faire abstraction des bavures, des essais, pour ne garder que le trait directeur, celui qui donnera à notre vie le visage dont on se souviendra. Et ce qui fait que le trait maladroit finit par devenir un dessin, exprime quelque chose, c’est la persévérance du dessinateur à essayer, malgré la difficulté de la chose, de poser sur le papier l’idée qu’il a dans la tête, de faire coïncider le trait avec sa vision des choses. De même, il nous est nécessaire de ne pas désespérer, mais, sur la même feuille, de continuer à tracer. Le dessin parfait ne naît pas sur la feuille blanche, mais surgit des milles tracés ratés qui l’on précédé. Il n’est pas quelque chose que l’on atteint par chance, mais quelque chose que l’on mûrit, avec patience et volonté d’y arriver. Soyons comme ces dessinateurs, essayons de faire de notre vie l’idée que l’on en porte en nous, et ne baissons pas les bras, ne déchirons pas la page, mais persévérons, jusqu’au jour où nous parviendrons enfin à donner à notre vie la forme que nous voulions lui donner.

Songe, tu as fait un pas de plus, et à mon tour, j’en fais autant. Il arrive que des compagnons de route se disputent sur l’itinéraire à choisir. Ce n’est pas pour le plaisir de se contrarier, mais bien parce qu’ils ont cette même foi en leur destination, qui les fais parfois s’élever les uns contre les autres. Mais quoi qu’il advienne, et même si la compagnie se trompe d’itinéraire, elle reste unie. Mieux vaut s’égarer avec ses frères que les perdre parce que l’on veut suivre un chemin qui nous semble meilleur, quand bien même le serait-il. En te demandant encore pardon pour avoir pris cette distance face à tes paroles d’amitié ; il faut parfois fâcher l’ami pour ne point fâcher l’amitié.

Bien à toi, Songe,
Bien à vous tous,

Barjac

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pherine1
22-12-03 à 01:48

Ah Songe, Barjac aussi, vous me faites peur avec vos émotions si bien contrôlées... Cette solitude prônée... Mince, je m'autoflagelle avec vous... éclair de lucidité tardive...
Cette solitude contrainte de plus d'un mois me pèse peut-être trop, trop d'analyses, trop de regards introspectifs critiques...Ou se trouve cette spontanéité, ces actes irréfléchis, ces élans fougeux du coeur envers les amis, les amours... Deviendrons nous ces grands penseurs décortiquant le moindre acte, la moindre parole, ayant une telle connaissance de l'âme humaine qu'elle retire l'étonnement ravi de decouvrir d'autres horizons...Les rigueurs de l'hiver et de nos ames nous tiennent éloignés les uns des autres... Ne laissant que nos cerveaux pour communiquer et nos froids claviers... Arf, la vie devrait être vécue pleinement sans bride au cou, sans ses reflexions interminables... Mince vivre sans avoir à se protéger constamment...
Va falloir faire qq chose... Bisous mon cher songe je te dis à dans la réalité :) et n'attache pas trop d importances à ses reflexions discontinues...


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BarJaC
23-12-03 à 11:56

Re:

Chère Phérine,

Ce ne sont pas nos émotions, qui sont bien contrôlées, mais nos pensées. Je doute que ni Songe ni moi ne soyons réellement capable de mettre aux élans de nos coeurs la bride que tu cites. Mais nos réflexions, à l’inverse de nos sentiments, nous échappent bien moins, et c’est avec le même calme que je résoudrais un problème mathématique que j’exerce ma pensée sur les sujets que le monde lui propose. Les émotions folles, je les connais aussi, mais j’essaie de les vivre plus que ne les écris. Aimer, par exemple, se vit d’abord pleinement, et se réfléchit ensuite, lorsque les émotions indomptables se tassent et que le calme retrouvé permet d’y mêler la raison.

J’ai reproché à Songe, à tort peut-être — je n’ai pas la prétention d’avoir un jugement toujours juste, et je peux tout à fait me tromper en poursuivant ce que je juge vrai —, cet amour qui se crie, se livre, parce que ce n’est pas ainsi que j’agirais. Si j’éprouve le besoin de témoigner mon amitié, alors je prendrai la plume plutôt que le clavier, ou à défaut le mail, et j’écrirai de moi à l’ami, non de moi à tout un ensemble de personnes, car ce serait faire de plusieurs relations 1-1 une relation 1-n, ce qui est, à mon sens, très différent. En prenant cette distance, je ne m’élève pas contre l’amitié de Songe, mais je la veux exclusive, n’unissant que lui et moi (mais, ce qui serait alors de la jalousie, je ne lui refuse nullement le droit d’aimer d’autres que moi ; je demande simplement que cette amitié qui m’unit à lui ne soit pas confondu avec une amitié qui regroupe tous les amis comme un tout dans lequel on ne distingue plus bien A de B).

Cette solitude dont tu parles n’est pas celle dont nous vantons les mérites. Il est deux solitudes : celle que l’on choisit et celle que l’on subit. L’une est un réconfort, l’autre un tourment. Ta « solitude contrainte » n’est pas à confondre avec notre solitude volontaire, celle que l’on s’impose pour se retrouver seul avec soi-même, pour quelque mise au point nécessaire, ou pour éprouver les bonheurs qui ne sont pas faits pour être partagés. J’aime ainsi à marcher seul dans Paris, car c’est une chose que je choisis et qui m’apporte une satisfaction. Mais j’ai connu aussi la solitude, pénible, contre laquelle on ne peut rien. Celle qui est abandon, appartement vide et silencieux, où la volonté se meurt dans l’ennui et l’esprit s’autodévore de n’avoir pour tout sujet de réflexion que notre petit moi. L’introspection dont tu parles est destructrice, comme me le faisait remarquer Songe, car l’esprit est fait, même s’il fonctionne seul, pour s’exercer sur des sujets partagés par d’autres esprits, pour se consacrer à des analyses qui dépasse la simple individualité. On tourne en rond, autrement.

Il ne s’agit pas de tout penser, mais de penser ce qui doit l’être. Vivre sans réfléchir serait, à mon avis, une grave erreur. C’est souvent par la pensée que l’on trace notre chemin, plus que par l’acte. C’est par la pensée qu’on apprend à tirer de notre vécu des leçons, afin d’orienter plus justement les actes de demain. C’est par la pensée qu’on apprend à mieux aimer, à mieux se connaître, et à connaître le monde qui nous entoure. Ce que l’expérience offre à nos yeux, c’est à notre esprit ensuite de l’analyser, et d’en tirer ce que l’on peut en tirer.

Mais que notre pensée ne fasse pas de nous ces penseurs que tu critiques avec justesse, ayant perdu toute spontanéité parce que réfléchissant avant d’agir. Il faut agir, se tromper ou non, et ajuster, tel le marin avec son compas, notre cap en fonction des éléments que l’observation nous fournit. La pensée sans l’expérience se ferait dans le vide, l’expérience sans la pensée risquerait de faire de décrire des cercles, de nous faire repasser cent fois par les mêmes erreurs. Action et pensée se doivent d’interagir sans cesse, se fournissant l’une et l’autre des éléments de correction.

Et c’est justement parce que nous ne connaissons rien de l’âme humaine que nous avons besoin d’en parler, de la soumettre à nos esprits, dans le but d’apprendre pour mieux mener ensuite notre barque dans le monde concret. Bien évidemment, si l’on s’en tient à ce qui se dit ici, on ne connaît de l’homme que ce qu’il pense, non ce qu’il fait. Hors, comme Joel complémente Songe, notre action complémente notre pensée. Ici, nous ne pouvons décemment que nous pencher sur cette dernière, car ce n’est pas le domaine de l’action. C’est notre émerveillement qui nous pousse à nous interroger sur la nature des choses, comme c’est, pour une peinture, l’attrait esthétique qui déclenche la réflexion. Ce tableau me plaît, aussi j’essaie de voir plus loin que le simple plaisir visuel qu’il me procure, et j’essaie de comprendre ce que le peintre a voulu signifier en choisissant telle couleur, tel coup de pinceau. Sans doute je perds, en plongeant dans le tableau, l’émerveillement premier, mais j’y gagne en ce que, de passif, je deviens actif. La contemplation laisse alors place à l’interrogation. C’est là le propre de l’homme, qui se met à étudier les choses qui le fascine. Si les hommes ont étudié les cieux, dressé des cartes, découvert les lois de l’astrophysique, c’est parce que les étoiles les ont d’abord fasciné, et que cette fascination déclenche fatalement le désir de comprendre.

Je ne pense pas que nous ayons tort de nous poser mille questions. J’ai aligné tant de mots sur l’amour, désirant en comprendre les rouages les plus subtils, mais ce n’est pas pour autant que le peu de connaissance que j’ai pu amasser dans le domaine a changé quoi que ce soit à ma façon d’aimer. C’est toujours avec la même fascination enfantine que je le rencontre. Simplement, parce que mes questions m’ont laissé entrevoir ses pièges et ses astuces, je parviens ensuite à mieux gérer cet amour, à le garder plus longtemps, et ainsi, ma pensée, plutôt que de m’ôter l’émerveillement premier, me permet au contraire de le rendre durable.

Mais, tu as raison, partager nos pensées ne doit en aucun cas nous dispenser de partager notre amitié dans le monde concret. Nous ne sommes pas de simples esprits, et jamais nos mots ne remplaceront le contact d’une main amie sur notre épaule.

Barjac

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