Il se tient là, dans un coin poussièreux de ma conscience, je l'entend remuer, j'entend tinter ses clochettes, sa voix nasillarde qui me lacère les tympans; le bouffon de mes humeurs m'offre le spectacle de ma déconvenue de certaines heures ...
Ses deux yeux en couperets, son net en stylet, son sourire en ciseaux, ses rires qui tranchent et assènent la sentence tel un scalpel trop précis qui fend l'abcès à vif dans un éclair douloureux.
Voilà ce qu'on élève à l'ombre de ses obsessions, un pastiche grotesque de nous-même, un clone ahuri qui grimace dans notre dos et fait de chaque élan une monstrueuse galipette propre à amuser la gallerie ...
Non vraiment, je me leurre et c'est tout juste si le triste ladre ne m'enfonce pas son avant-bras dans l'oeil jusqu'au coude pour que je m'aveugle ainsi sur mes faits et gestes ...
J''installe sur les planches branlantes de ma raison le décors d'une divine comédie où je ne suis jamais que mon propre guignol; il faudrait que je tombe le rideau et que je dévoile un peu le tout sans fard ni grimages, sans costumes ni fioritures ...
De sophismes en syllogismes, tout un art de la forme déployé au détriment du fond, un joli bouquet de pensées et narcisses dans le vase médiocre d'idées préconçues ...
Il faut que je me décide à chasser enfin l'importun qui occupe la demeure et y agite sous mon nez des quolifichets que je m'efforce d'ignorer comme on le ferait d'un train qui aurait ses habitudes au long du mur du séjour mais qui au final nous rendrait fou de tant d'application mise à se faire à l'insoutenable ...
Ce laid avorton faussement compatissant n'a rien à faire chez moi, j'y suis mon seul maître !
Commentaires :
Re: Insoutenable légereté de l'être
A l'image d'un épouvantail dont on use pour chasser les corbeaux, j'use de mots plus grimaçants que mes démons pour les faire se disperser ... quant à la révolution c'est justement là ce que je lui reproche à mon bouffon d'intérieur : d'hanter la demeure de pitreries qui n'ont pas l'ampleur que la réalité leur réclame pourtant. Il est bien vain de battre le rappel des forces avec des baguettes sans tambour, avec une voix sans coffre ni écho ...
Ce texte est destiné à me faire sursauter lorsque je pénètre cette page et me rappeler qu'aucun grain semé ne poussera jamais si les corbeaux viennent à le picorer allègrement ...
Merci Valaxaur de ton passage par mes Songes, j'ai noté ton aimable attention à l'égard de nombre de mes voisins.
Bien à toi
Songe
Bouffonerie...
Cher Songe
N'oublie pas que la force de l'homme est au zénith lorsqu'il rit de son bouffon...
Use de cette arme imparable, et rend ton bouffon heureux au point qu'il te rendra grâce en égayant tes fuites dans le néant...
Je ne fais que passer, après avoir déposé ce message à ta demeure.
ll y a toujours une feuille, une plume et de l'encre chez moi où tu peux laisser l'empreinte de ta visite.
Pierre des îles
Re: Bouffonerie...
Cher Pierre,
Tes mots sonnent toujours avec cette justesse et sagesse appréciables
Ils m'amènent à reconsidérer quelque peu ma vision des choses et envisager plus de légèreté dans le regard que je porte sur moi-même ...
Plusieurs discussions avec mes amis m'ont permis de parvenir à ce constat que tu évoques ici : que ce que je désigne comme mon bouffon ne devait pas m'être souffre-douleur mais aimable compagnon de chambrée aux facéties plaisantes et vivantes.
Ne doutes pas que j'aurais plaisir à prendre plume et papier à l'occasion pour te laisser quelques une de mes lettres et je t'invite pareillement à le faire lorsque tu le souhaiterais ...
Bien à toi
Songe
Insoutenable légereté de l'être