La rive gauche baignée des feux du soir et la voix d'Alain Souchon qui se coule avec la seine, nostalgique, douce et vibrante, au long de ces quais ...

Rive Gauche à Paris
Oh mon île Oh mon pays
De musique et de poésie
D'art et de liberté éprise
Elle s'est fait prendre, elle est prise
Elle va mourir quoi qu'on en dise
Et ma chanson la mélancolise
La vie c'est du théâtre et des souvenirs
Et nous sommes opiniâtres à ne pas mourir

Il chante les marchands de rêves qui monnayent les âmes pour le succès d'une mélodie, pour que de Marseille à Paris les ondes diffusent le succès et l'envie, pour que le coeur des hommes chante l'art sous voile d'intérêt et de jalousie, de concurrence et batailles à grands cris ...

Il chante la mort de l'art libre et libéré, son agonie lente et programmée par ceux qui ne s'entendent qu'à la monnaie ...

Les foules sentimentales en soif d'idéal agonisent derrière le spectre du commercial ...

Les liesses sont tempérées, anesthésiées par une consommation outrée, elles ne sont qu'une vague éteinte en mal d'émotions et d'étreintes; on vit dans le souvenir des époques où tout les corps se mouvaient follement au son du rock ...

Rive Gauche à Paris
Adieu mon pays
De musique et de poésie
Les marchands de malappris
Qui d'ailleurs ont déjà tout pris
Viennent vendre leurs habits en librairie

Rares sont encore les foules qui, prises d'un accès de folie, vont décrocher lune et étoiles au coeur d'une nuit sublimée par le chant et l'harmonie ...

Les Woodstock ont laissé la place aux festivals sages, d'artistes à la page, de sons circonscrits dans l'or des cages ...

D'émissions de variétés, devantures d'artistes prostitués aux lois du marché, aux télés-réalité vendant le talent des plus soumis aux moins critiques, habitués ...

Rive Gauche à Paris
Adieu mon pays
Adieu le jazz adieu la nuit
Un état dans l'état d'esprit
Traité par le mépris
Comme le Québec par les Etats-Unis
Comme nous aussi
Ah ! le mépris ah ! le mépris

Un jour Menilmontant sera-t-il aussi le pied à terre des avides marchands ? Montmartre une seule butte dont le tourisme insatiable sera la chute ?

Cela s'arrêtera-t-il aux intermittents ou n'est-ce qu'avec la négation de l'art lui-même que l'Etat aura son content ?

Laissera-t-on la ville des lumières, Paris, tirer les rideaux, annoncer que le spectacle est fini ?

Avec l'art c'est l'âme de notre culture qui se rendra, c'est notre identité qui disparaîtra ...

Un corps sans âme est une machine et toute machine finit un jour par tomber en panne, qui donc saura encore la réparer sans ce doigté d'une sensibilité qui fait notre identité ?

Rive gauche, rive droite à Paris, le coeur palpitant de notre pays a besoin d'une greffe de poèsie, est en attente du don de vie ...

Merci