Voilà ...
Nous sommes le 18 septembre 2003 et ça fait maintenant une semaine que j'ai quitté mon domicile pour tenter d'orienter ma vie dans un autre sens, selon celui que j'aimerais bien lui voir prendre ...
Mais je constate à quel point cette société est sévère et laisse peu de place au dénuement ... elle accule à la misère et à la mendicité ceux qui n'ont pas choisi de lui faire une montagne de concessions sous forme de mutuelles, d'assurances, de cartes, visas, de diplomes et je ne sais quoi ... mes premiers pas sont riches d'enseignements positifs et négatifs.
D'une part je constate comme le quotidien recelle plein de ces petites choses plaisantes lorsque notre temps n'est pas réglé sur 2 aiguilles et que notre journée n'obéit pas à une infinité d'obligations aussi usantes les unes que les autres. J'ai l'impression de moins fonctionner selon des impératifs de société meme si j'en découvre de nouveaux qui m'horrifient par ailleurs et me laissent un gout amer par moment. Ce qui est intéressant c'est qu'au moment où on n'a plus à maintenir une fonction sociale, que les autres ne se tiennent pas sur leurs gardes en respect des convenances, on accède spontanément à une part des individus nettement moins superficielle que celle des diners mondains ou des soirées barbecues où chacun joue habilement son va-tout pour éviter les redoutables blancs. Résultat, des gens qui parlent à coeur ouvert le temps d'une soirée, voilà quelque chose d'agréable ... par ailleurs, le fait de ne pas etre constament en mouvement (les pieds n'apprécient pas toujours à force si on a pas de but précis), permet de voir l'évolution d'un lieu tout au long d'une journée et d'y voir ces évènements que seul le hasard permettait de surprendre auparavant; au cours d'une journée je vois ainsi au matin un incendie se déclarer dans un restaurant, à midi une ribambelle d'étudiants survoltés prendre d'assaut les eaux de la fontaine, l'après-midi des intermittents lancent un épatant cri retentissant et continu de 2 minutes pour manifester leur mécontentement et au final, la soirée m'offre une magnifique représentation de Tango en plein air, entre les colonades, dans une merveilleuse illumination nocturne ... (pourquoi cet inactivité durant toute une journée me demanderez-vous ? Eh bien parce que la contemplation a toujours été pour moi un enseignant essentiel de la vie et de la réalité des choses, le plus objectif en tous cas :o)
Maintenant pour le coté négatif des choses, je constate qu'à ceux qui sont sans le sous il n'est pas offert un logement en dessous des 10 euros (auberges de jeunesse à la générosité aussi notoire que l'harpagon de Molière et dont j'avais toujours pensé qu'elles étaient ce refuge du démunis, ce havre de l'itinérant) excepté si l'on se loge dans ces lieux sinistres que sont les foyers d'accueil aux conditions draconiennes (fermé la journée et sortie arretée à 21 heure, fermeture le matin à 8 heures). Par ailleurs, cherchant à trouver quelques conseils auprès des organismes charitables, je constate qu'ils sont tous clos en après-midi ... pour la détresse, retenez la donc jusqu'au lendemain ... de meme pour la nourriture, les repas ne sont servis qu'à midi et ailleurs allez toujours trouver un repas qui équivaut au tarif du RestoU ...
Conclusion : pour se nourrir le soir, mendiez et pour dormir au dela de 8 heures, dormez dehors ... on me dira "eh, qu'est ce que tu crois, la vie c'est dur, tu vas pas te plaindre non plus ?" ... non je ne me plaindrais pas pour moi mais pour tous ceux qui n'ont, quant à eux, pas choisi la misère et finissent par ne pouvoir vivre plus que selon l'instinct dicté par les besoins. Quant à moi, je commence à me demander s'il est juste de quitter une dépendance pour une autre, une autorité pour une autre ... je vais m'efforcer de trouver un compromis qui ne m'oblige pas à me plier à des règles autoritaires. Je crois que ceux qui disent "au lieu de toucher leur RMI ils feraient mieux de bosser" ou encore "ils ont des centres d'acceuils mais ils refusent d'y aller", devraient aller vivre un petit coup dans la rue pour bien saisir le fait que d'une part on ne bosse pas d'un coup de baguettes magiques quand le délit de faciès nous interdit l'entrée de bien des lieux et d'autre part, la dignité humaine amène certains à préférer une misère matérielles voulue qu'une misère morale imposée.
Je ne sais pas où j'irais ce soir mais je n'irais pas dans ce satané foyer et je ne sais pas où je mangerais ce soir mais je ne dépenserais pas 4 euros pour un bout de pain et une saucisse. Je ne fais d'entorse plus que pour internet où j'ai des relations qui me sont plus chères que les quelques euros dépensés.
Bonne soirée à tous mes chers voisins de blogs :o) !
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