(Delaroche)

"Et sur les terres d'Espagne coule le sang madrilène, puisse-t-il y avoir assez d'amour pour étouffer toute cette haine"

Ma première émotion face à l'article du Monde sur les attentats de Madrid fut indignée comme l'essentiel des réactions que j'ai pu lire deci delà ...

La moutarde au nez, la colère à fleur de plume et le sang au bord des lèvres, j'ai vomi dans mon encre ces flots d'indignation qui ont en de nombreux endroits fleuri pour se demander quand on concevra de réagir ...

Mais soudain je me suis senti bien petit, bien péremptoire pour ainsi offrir à ma plume une tribune d'où laisser dévaler un discours scandalisé ... car enfin, quel sens peut-il y avoir à répondre à des explosions de haine par des éruptions de mépris ? A relancer la grenade, répondre à une mitraille de plomb par une mitraille d'injonctions, je me suis rappelé qu'au Viet Nam on désamorçait les mines avec des enfants Vietnamiens ... n'est-ce pas une mine amorcée pour une mine désamorcée ?

Et il m'est venu cette image de ces hommes qui jour après jour se sont dévoués pour risquer leur vie à désamorcer des explosifs ... une vie dévouée pour répondre à ces vies sacrifiées pour une cause, pour une fierté, pour un mépris de la vie au profit d'une idée fixe ... ce ne sont pas des hommes qui ont clamé haut et fort qu'il fallait combattre les poseurs de bombes, ce sont des hommes qui ont décidé de lutter contre la bombe elle-même ...

Je crois qu'on peut décliner à l'infini son indignation, décrier indéfiniment l'outrage à une humanité mais le premier pas vers cette humanité me semble être celui de l'homme qui désamorce les bombes avec ses mains et son coeur ... celui-ci construit la valeur de la vie en luttant contre ce qui la détruit ...

La société ce n'est pas "vous", c'est "nous", c'est "moi+toi" ... changer "vous", changer "nous" c'est commencer par changer "moi" sans attendre d'être "toi+moi" ensembles sous une bannière pour lutter. Je vois combien sont ceux qui attendent que le "vous" uni se construise pour s'y ajouter et former le "nous" de la lutte. Mais la lutte commence avec "moi", avec ma réflexion personnelle sur ma participation à cette société et sur mon pouvoir de changer mon attitude et ce sans attendre un signal et un programme livré sur un plateau au pallier de ma demeure.

Combien sont ceux qui s'ils le pouvaient tueraient les terroristes avec leur télécommande, à partir de leur fauteuil ... sous leur coude ils ont aussi leur chéquier pour les victimes et à deux pas de chez eux bien des moyens de réaménager leur vie pour défendre et promouvoir leurs prétendues valeurs ...

C'est une prise de conscience que j'essaye aujourd'hui de prendre en compte pour construire ma vie et je me sens bien honteux de mes mots d'hier face aux attentats qui ne m'engageaient pas beaucoup et se révélaient bien moins constructifs encore ... l'alternative c'est aussi ça, faire de l'indignation plus qu'une émotion, en faire une construction en réaction, en accord avec ses convictions ...